Bobigny, le 10 Novembre 2020

Monsieur le Président, je ne connais pas les formes et je sais que vous ne lirez pas cette lettre, je m’adresse donc à vos collaborateurs et collaboratrices à ceux et celles qui ouvrent le courrier nombreux que vous devez certainement recevoir.

Mesdames Messieurs, je viens d’apprendre que Maurice Genevoix allait entrer au Panthéon. Je me réjouis que la République reconnaisse son courage et son œuvre avec tant d’honneur.

Je viens d’entendre aussi (sur France Inter) que le Président réfléchissait à un signe fort en rapport avec les 60 ans de l’indépendance algérienne pour inscrire notre passé colonial dans l’histoire assumée. Hier soir, je terminais la lecture de Djamila Boupacha un livre de Gisèle Halimi. Ce livre, comme cette affaire, se termine par un non-lieu pour cause d’amnistie de tous les faits qui se rapportent à la guerre d’Algérie. Hier soir, j’étais sans voix, j’avais beau être informée et cultivée je n’avais pas en tête, de façon aussi claire, cette période de notre histoire.

J’ai repensé à Maurice Audin, j’ai relu le discours du Président qui reconnaît l’existence de la torture en Algérie et ça m’a fait du bien. Il faut tellement de temps pour faire une république et si peu pour la discréditer.

J’ai beau être militante féministe ce n’est pas cet argument que je veux utiliser pour vous demander de parler de Gisèle Halimi au Président.
Je veux vous parler de ma ville, Bobigny, (d’où, le Président a lancé son premier discours de campagne). Bobigny, préfecture de Seine Saint Denis, département le plus pauvre de France, département dont personne n’a voulu pendant des décennies, département de bidonvilles et d’industries, département d’immigration, département de la jeunesse, département international, département de solidarité. C’est ce qui m’a frappé quand je suis venue m’y installer avec mon mari et mon ventre rond de femme enceinte il y a 15 ans ; et depuis, je n’en suis plus partie. Nos filles sont scolarisées dans les écoles de la république et nous en sommes fier·e·s. Et pour aller prendre le métro ligne 5 et accéder à la capitale, elles empruntent la passerelle Marie-Claire. Marie-Claire c’est le nom de la jeune fille que Gisèle Halimi défendit lors d’un procès médiatisé : le Procès de Bobigny. Marie-Claire, enceinte à la suite d’un viol s’était faite avorter clandestinement et avait été dénoncée par son violeur. J’ai découvert Gisèle comme ça, par une plaque sur une passerelle, par le prénom Marie-Claire.

Son courage et son œuvre m’ont impressionnée.

Mesdames messieurs, je ne suis pas spécialiste des panthéonisables, Juste, je demande :
Que faut-il faire que Gisèle n’a pas fait pour entrer dans notre maison des illustres ?
Que faut-il faire que Gisèle n’a pas fait pour symboliser le combat de la France ?
Que faut-il faire que Gisèle n’a pas fait pour parvenir à une République plus juste ?
Juste, je demande,
je ne sais pas,
je demande.

Merci d’avance pour votre réponse,

Mylène Bonnet