Frida Kahlo
Petit Cerf

J’aimerais que ma peinture et moi-même nous soyons dignes des idées qui me donnent de la force

Frida Kahlo

May Bouhada choisit de partir d’un tableau, Le Cerf Blessé et d’une femme-artiste Frida Kahlo pour parler de l’acte de création et de la transcendance.

Frida Kahlo Cerf Blessé, nous raconte cette dernière seconde de vie ou réalité et fantasme se confondent. Frida corps de chair doit céder la place devant sa créature. Mais la mourante n’est pas commode et la Biche apprend vite à lui ressembler. Elles se découvrent, apprennent à se connaitre, à se ressembler, à s’assembler, à s’affronter, à s’aimer avant de se séparer. La Biche prend alors la suite de Frida et va courir le monde affublée de ce visage humain. Une dilatation de quelques secondes pour remettre la femme à sa place de mortelle et laisser l’oeuvre devenir immortelle. Que l’oeuvre enfin puisse dépasser la peintre.

Note d’intention

Ce qui m’a plu dans le personnage de Frida Kahlo ce n’est absolument pas sa fragilité, son infirmité ou sa passion amoureuse, mais bien au contraire, son insubordination. C’est une femme rebelle, animée par une passion politique à toute épreuve, qui s’enivre d’un idéal communiste.
 C’est une rockeuse insupportable : elle se crée un look, parle grossièrement pour choquer les bourgeois, peint de façon ouvertement organique, sexuelle et féminine. Elle bouscule les lignes, choque, agace…. Une râleuse qui crache, fume, pense et peint. Une sorte de Nina Hagen, de Patty Smith de son temps. Morte, elle nous laisse ad vitam eternam ces grands yeux noirs plantés dans nos chairs pour l’éternité.

Mylène Bonnet – metteuse en scène

Note d’écriture

Il ne s’agit pas d’une pièce historique ou biographique. Il ne s’agit pas d’un montage de textes écrits de la plume de Frida Kahlo, ou de témoignages : il s’agit d’une divagation. Je rentre dans l’univers de Frida Kahlo par un tableau, « Le Petit Cerf ». Dans une clairière, un cerf tombe sous les flèches. Il a le visage de Frida Kahlo, un corps d’animal martyr et une figure humaine. Je sépare, Frida et le cerf : je féminise. Le cerf devient biche. Deux personnages pour un autoportrait.

May Bouhada – autrice adaptatrice

Extraits

LA BICHE
Qu’est-ce que c’est ? J’ai envie de rire.

FRIDA
Débouche le flacon. Aspire avec l’aiguille jusqu’à deux. Vérifie qu’il n’y a pas d’air.

LA BICHE 
Un. Deux. Une bulle.

FRIDA 
Il y a de l’air.

LA BICHE 
Oui.

FRIDA
Et bien rejette, et reprends. Rejette. Reprends. De l’air ?

LA BICHE
Je reprends.

FRIDA
De l’air ?

LA BICHE
Pas d’air.

FRIDA
Pousse un peu sur la seringue. Vas-y franco. Allez, c’est bon pique-moi ! Dans mon bras.

LA BICHE
Ah ! Non !

FRIDA
Tu es stupide, ou quoi ?

LA BICHE
Je ne peux pas.

FRIDA
Pitié ! Donne-moi la seringue !

LA BICHE
Je ne peux pas.

FRIDA
Donne-moi cette seringue !

LA BICHE
Non !

FRIDA
C’est de la morphine, c’est rien ! Regarde mes bras…ici, et ici. Tu ne peux pas me laisser dans cet état.

LA BICHE
Les flèches qui me transpercent font du sang rouge, et les mouches dévorent la plaie !

FRIDA
Donne-moi ce flacon !

LA BICHE
Non !

FRIDA
Tu rentres dans ma chambre, tu t’assois sur mon lit. Qu’est-ce que tu cherches ?

LA BICHE
Mais …rien. Toi ?

FRIDA
Quoi, moi ? Quoi ? Qui ? Qui !! Je suis qui, moi ? Elle cherche qui, Frida Kahlo ? Cadavre ? Frida ? Vivante ? Qui ? Prends ma place, prends donc ma place et tu me trouveras !

LA BICHE
Mais… Non !

FRIDA
Elle en serait incapable, de prendre ma place ! Elle ne sait pas ce que c’est, qu’être humaine, de désirer vivre encore quand on ne le peut plus, et de désirer mourir, encore, et de ne pas y parvenir ! Tu n’es rien ! Je pourrais me pisser dessus qu’elle me regarderait encore avec ses grands yeux béats, là, et son sourire idiot. Je pourrais empiler devant elle mes propres membres dans un ossuaire qu’elle continuerait à me faire la conversation comme si je rangeais un placard ! À me trouver somptueuse, et remarquable ! Une idole ! Je hais les idoles ! Je suis marxiste-léniniste ! Xocolatl ! Viens à mon secours J’ai laissé derrière la porte ceux que j’aimais, pour me payer le luxe de mourir enfin !  Et voilà ! Figée dans mon rêve ! Figée dans mon esprit !

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d’infos

Création

Théâtre La Boutonnière 24 septembre -15 octobre 2015
Production La Kesta et C-isme en coréalisation avec le théâtre la Boutonnière – Paris 11
Frida Kahlo – Petit Cerf a reçu le prix de l’aide à la création du Centre National du Théâtre.

Générique

Texte : May Bouhada
Mise en scène : Mylène Bonnet avec la complicité de May Bouhada et Frédérique Michel
Collaboration artistique : Lydia Boukhirane
Scénographie : Frédérique Michel
Lumière : Paul Beaureilles
Avec :  May Bouhada et Frédérique Michel
Crédit photos : Antoine Dumont