L’Assemblée des Femmes

Les femmes n’ont pas tort du tout quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites au monde, d’autant que ce sont les hommes qui les ont faites sans elles.

MontaigneLes Essais III, 5

Premier arrivé, premier servi, du temps d’Aristophane pour siéger dans l’hémicycle, il faut se lever tôt. Fâchées de n’avoir la main sur rien, aux aurores, un groupe de femmes déguisées en hommes, entre dans l‘assemblée et fait voter une loi donnant le pouvoir exclusivement aux femmes. Leur projet politique n‘est pas d‘établir la parité mais d‘instaurer rien moins que la fin de toutes les inégalités. Elles mettent en place la liberté sexuelle : la libre copulation est instaurée avec comme seule règle “satisfaire une vieille pour pouvoir jouir d‘une jeune“.

Le théâtre pamphlétaire d’Aristophane dérange. Ses pièces ont l‘irrévérence des billets d’humeur de nos humoristes. Ardent pourfendeur de la démocratie, bénéficiant de la liberté de parole propre à son époque et sa cité, il nous lègue une oeuvre décomplexée, paillarde, et aujourd’hui encore, totalement subversive.

Note d’intention

L’Assemblée des Femmes parle de la sexualité, du communisme, de constipation, de travestissement et de poils sous les bras. La dimension bouffone et scatologique de cette pièce remet le spectateur à sa place de citoyen et l’artiste à sa place d‘agitateur. Bien qu’animées d’une fougue ravageuse, ce sont les femmes qui prennent des décisions sages et raisonnées. Elles seules sont moteurs et porteuses d’espoir dans une société en crise. Pourtant, comme les hommes, plus elles se rapprochent du pouvoir plus elles sont contaminées par le désir de l’obtenir, par la jalousie et par la tentation de la domination.

Mylène Bonnet – metteuse en scène

Note d’écriture

Une des multiples questions posées par la pièce d’Aristophane est celle du vol de la confiance. A son époque, la confiance est mise en un contrat : la femme tient le foyer et assure la descendance, pendant que l’homme gagne l’argent, tient l’Etat, et assure la paix.

Aujourd’hui le garant de la paix sociale est sensé être l’Etat. L’Etat qui fournit ou pas l’éducation, le pouvoir d’achat, les allocations, la sécurité sociale, la retraite, le logement etc… Voilà le nouveau contrat social. Notre Assemblée des Femmes interroge la nature du désaveu entre les femmes et les figures dirigeantes majoritairement masculines.

May Bouhada – autrice adaptatrice

Extraits

RAPIDOS
Mais, pour tous les jours, c’est quoi la vie que vous nous faites ?

OLYMPE
Une vie commune à tous. Je veux faire de la ville un seul foyer, sans portes et sans clefs,  où tous pourrons circuler librement ! Tribunaux et portiques seront transformés en salles à manger ! Et la tribune, ça fera des étagères pour ranger les cruches et les pots. Et les gosses viendront y chanter les exploits des guerriers,  et ils chanteront la honte des lâches qu’on tiendra éloignés des festins ! Les urnes, je les mettrai à l’Agora ! Et, debout près de la statue de Grododos, je tirerai tous les noms au sort, jusqu’à ce que celui dont le nom sortira sache à quelle lettre il ira joyeusement dîner ! On criera B pour Bobigny, S pour à côté saint Denis ; et R pour Rungis,  M pour Maraichers

RAPIDOS
Pour y manger tes salades ?

OLYMPE
Nom de Zeus, non ! Pour y dîner ! Tout le monde mangera en abondance ! Et tout le monde, ivre de vin, sera roi et avancera avec sa  torche en main !  Des femmes vous aborderont aux carrefours et vous appelleront, «Entrez  ici, il y a une jolie fille toute encore dans sa fleur ! » et à l’étage au-dessus, « Par ici, il y en a une très belle, une très blanche ! »

GISELE
« Mais, attention,  il faut d’abord coucher avec moi ! »

OLYMPE
Et les hommes les plus moches suivront les hommes les mieux roulés en disant : « Où cours-tu, toi ? Tu perds ton temps ! Car ce sont les moches et les ratatinés qui passeront les premiers pour les caresses, et toi, tu attendras dans l’entrée à te faire grandir la tige et te tripatouiller les figues pour patienter ! »

Plus
d’infos

Presse

C’est un Aristophane moderne qu’on joue au Théâtre de la Tempête un spectacle pop, dans tous les sens du terme. Cette libre adaptation de May Bouhada donne la parole à une langue crue, parfois égrillarde pour mieux éclairer le vulgaire de l’existence humaine. Le théâtre d’Aristophane résonne avec une étrange pertinence dans les mots d’aujourd’hui. Populaire, le spectacle l’est aussi lorsqu’il se mue en comédie musicale kitsch. Une vision amorale et dérangeante de la lutte des genres et des classes, qui ne donne le beau rôle à personne tout en offrant une comédie moderne et irrésistible, à l’ironie consciente et subversive. Une réussite.
Le Parisien – Romain Breton

Dans un décor fait de palettes, de collages, de poussettes d’enfants et de tôle, les femmes  vont renverser le pouvoir et énoncer un nouvel ordre politique, honteusement utopique. Avec le même humour qui caractérisait le théâtre d’Aristophane, la metteuse en scène Mylène Bonnet va d’abord raconter les répétitions du commando, astuces et discours compris. Le rythme est enlevé, les dialogues ciselés et les trouvailles scénographiques débordent de créativité.
Time out – Elsa Pereira

La traduction de May Bouhada restitue la géniale invention verbale d’Aristophane, tout en la rendant accessible.
Les objets quotidiens (bidet, balai, poussettes) rappellent les missions qui sont traditionnellement dévolues à la femme, mais ils sont ici détournés. Les poussettes deviennent de véritables tribunes ou des fauteuils pour les vieux maris gâteux. Des idées à foison dans la mise en scène.
Les 3 coups – Laura Plas

Création

Théâtre de la Tempête du 22 mars au 21 avril 2013.
Production la KestaKaboche et Sur le Pont avec le soutien de l’Adami et de la Spedidam

Générique

L’Assemblée des Femmes d’après Aristophane
Libre adaptation : May Bouhada
Mise en scène : Mylène Bonnet
Scénographie et costumes : Goury
Lumière : Pascal Sautelet
Composition sonore : Stéphanie Gibert
Assistant lumières, costumes et scénographie : Edouard Trichet-Lespagnol
Collaboration artistique : Estelle Clareton
Avec : Cécile Lehn, Valérie Puech, Diana Sakalauskaïté, Louiza Bentoumi et Chantal Trichet pour les femmes et Emmanuel Fumeron et Patrick Paroux pour les hommes ou l’inverse.
Crédit photos : Antonia Bozzi