我 是 谁? (Wǒ shì shéi)
Qui je suis ? Ou l’intime au milieu du bruit du monde

Ces interviews racontent à la fois l’intime de chacune mais aussi le rapport à la grande histoire de la Chine de ces quatre-vingts dernières années.

La Kesta

Le texte raconte la rencontre de 2 femmes, une Française et une Chinoise. Au-delà de leur échanges une figure apparaît qui prend en charge ce qu’elles n’osent pas dire ouvertement, leurs non-dits ; c’est Nora. La Nora d’Ibsen celle qui est partie, qui a tout quitté : son foyer et son confort, celle qui s’est déplacée pour comprendre l’autre et elle-même. Elle erre et glane les histoires oubliées, négligées et les rassemble comme elle peut, comme des perles qu’elle enfilerait sur un collier sans nœud. Les histoires du commun, des communes en l’occurrence, et les histoires plus grandes que nous connaissons mais avons pour la plupart oubliées. Ce projet se construit à partir de témoignages recueillis quand l’autrice a vécu en Chine et de ceux de femmes issues de la diaspora chinoise. Il s’écrit dans les deux langues comme un dialogue entre l’Occident et la Chine.

Note d’intention

Je voulais inventer une histoire à partir des témoignages recueillis en France et en Chine mais il m’a fallu apprendre l’immobilité dans un projet qui était conçu sur le déplacement. Car il s’agit bien de ça : se déplacer vers l’autre pour la rencontrer. Le projet Wo Shi Shui 我是誰? (Qui je suis) s’est donc transformé au gré du temps qui passe, au gré de la réalité à laquelle nous nous heurtons depuis deux ans. Je peux mesurer maintenant que ce qui m’intéresse réellement, c’est bien de raconter la rencontre entre deux femmes (elles et moi) si lointaines et étonnement proches. Cette rencontre est la chambre d’écho des grands mouvements de la Chine. Une sorte de portrait en creux.

Mylène Bonnet – metteuse en scène

Note d’écriture

Quand je suis partie vivre six mois à Shanghai, je voulais rencontrer des femmes et les questionner sur la domination masculine. La Chine a fait une expérience de l’égalité sociale femme-homme unique au monde de par sa durée et la rapidité de sa mise en place. Je voulais comprendre en rencontrant des femmes, comment le projet d’une société absolument égalitaire avait travaillé l’individu lui-même dans son corps et sa pensée. Ce qui m’avait attirée dans la ville de Shanghai c’était le bouillon de culture, le melting-pot de gens accourus du fin fond de la campagne chinoise en moins de 20 ans pour sortir le pays d’une misère étouffante, âpre et sèche.
De retour en France, le travail de rencontres s’est poursuivi auprès de femmes de la diaspora vivant en France ; des rencontres à pas feutrées pour permettre la confidence puis le recueil des témoignages. Livrer son histoire n’est pas simple, la communauté chinoise en France est très stigmatisée et parle peu. Je m’appuie donc sur un questionnaire, le même pour toutes quel que soit leur origine géographique, leur âge ou leur statut social. Question après question, couches après couches, répondre au questionnaire nous permet de nous rencontrer et de livrer une histoire qui peut paraitre anodine mais qui s’inscrit très fortement dans l’Histoire de la Chine. Le questionnaire est écrit en trois langues (Chinois, Français, Anglais). Chaque entretien est enregistré.

Extraits

Mei Hua – témoignage

MB
D’accord. D’accord. Et vous étiez où au Yunnan? A Kunming?

Mei Hua
Toujours à Kunming. Non.
Elle prend une inspiration
D’abord c’est 60 km de Yunnan.

MB
D’accord

Mei Hua
70 km de Yunnan. C’est dans une mine.

MB
D’accord.
(je n’ai, en réalité, pas bien compris…)
Redîtes-moi comment ça s’écrit le village dont vous parlez ?

Mei Hua
C’est pas village c’est une mine

MB
Ah Kunming ok ok à 70km de Kunming

Mei Hua
Non c’est pas Kunming c’est une mine ! C’est une zone, des grandes zones de mines !

MB
C’était pour travailler dans les mines de sel ? Je crois qu’il y a des mines de sel au Yunnan

Mei Hua
Non pas de sel, mine de phosphore

MB
Ok
Pourriez-vous décrire l’endroit où vous avez grandi ?

Mei Hua
kun yang ling kuang
elle épèle

MB
Est-ce que vous pouvez décrire la maison ou l’appartement dans lequel vous avez grandi ?

Mei Hua
Elle rit
Là-bas, dans cette époque, c’est communiste. Il n’y a pas de maison séparée. Surtout c’est, en fait, c’est une mine. C’est tous les gens vient, tous les ouvriers vient de partout de la Chine pour venir pour aider pour développer. Alors du coup c’est donc un peu comme…… mmmmmmmm…. comment que c’est, c’est un peu mmm. C’est dans un immeuble, il y a tous des gens qui travaillent.
Dans les mêmes mines en fait. Il n’y a pas de gens vient de extérieur : tout le monde travaille dans la même zone ils habitent dans le même quartier, dans le même immeuble. Il y a un grand couloir et tous les appartements sont comme ça. Tu rentres par l’escalier et après c’est un grand couloir vers 1,2,3,4,5,6… Elle rit… donc tu croises sans arrêt des voisins ! La cuisine elle est donc le couloir et après il y a une pièce et deuxième pièce. C’est enfilé comme ça.

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d’infos

Création

Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis à Bobigny (93)
16 novembre 2022 à la MC93

Production : La Kesta
Co-production : MC93 Maison de la Culture de Seine Saint Denis – Bobigny
Soutiens : l’Institut français dans le cadre du programme « Théâtre Export » du Département Développement et Coopération Artistiques et l’Institut Français de Chine à Pékin.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National

Générique

Texte : May Bouhada
Traduction : Florine Maréchal et Zhuoer Zhu
Mise en scène, écriture : Mylène Bonnet
Dramaturgie : May Bouhada avec la collaboration de Zhuoer Zhu
Avec Caroline Filipek, Haïni Wang et Zhuoer Zhu